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Déconfinement

Déconfinement : le ministère du Travail publie ses questions-réponses sur le télétravail

Le ministère du Travail a diffusé le 9 mai 2020 sur son site Internet un document questions-réponses qui avait été annoncé par Muriel Pénicaud, en appui de la recommandation faite aux employeurs de poursuivre le télétravail sur les postes qui le permettent afin de « réussir le déconfinement ». Avec au passage un changement de position sur les frais de télétravail, par rapport à une question/réponse qui avait été diffusée sur Internet il y a quelques semaines.

Les rappels et les précisions nouvelles du ministère sur le télétravail

Le ministère du Travail rappelle dans son document questions-réponses les règles inscrites dans le code du travail et à appliquer au télétravail en cette période de déconfinement. Il apporte aussi des précisions nouvelles sur ce mode d’organisation du travail. Rappelons cependant que ce document questions-réponses n’a pas la valeur d’une loi, d’un décret ni même celle d’une circulaire. Si ces précisions peuvent être des aides pratiques pour les employeurs et les salariés, ceux-ci doivent à notre sens garder à l’esprit que les juges pourront toujours adopter une autre interprétation à l’occasion d’un contentieux. En d’autres termes, la vigilance reste de mise.

Les questions-réponses versus les dispositions légales sur le télétravail

Le tableau ci-après synthétise les questions-réponses du ministère au regard des dispositions du code travail.

Télétravail et déconfinement : questions-réponses du ministère du travail
Q/R du ministère du travail
Commentaires de la rédaction
Mise en place
Le télétravail peut se pratiquer dans le cadre d’un accord collectif, d’une charte « télétravail » ou, en leur absence, « par simple accord entre l’employeur et le salarié »
Rappel du code du travail (c. trav. art. L. 1222-9, I)
Télétravail imposé
• La menace d’épidémie fait partie des situations permettant d’imposer le télétravail
• La mise en œuvre du télétravail dans ce cadre ne nécessite aucun formalisme particulier
Rappel du code du travail (c. trav. art. L. 1222-11)
Mieux vaut à notre sens se ménager une preuve de l’organisation retenue
Refus du télétravail
• Si l’employeur estime que les conditions de reprise d’activité sont conformes aux consignes sanitaires sur le lieu de travail, il peut refuser le télétravail
• Dans tous les cas, l’employeur doit motiver le refus. Étant entendu que le télétravail est à privilégier depuis le 17 mars 2020, date du début du confinement, l’employeur doit démontrer que la présence sur le lieu de travail est indispensable à l’activité de l’entreprise
• Conséquence du principe selon lequel le télétravail suppose l’accord des parties, sous réserve des dispositions d’un éventuel accord collectif ou d’une éventuelle charte (c. trav. art. L. 1222-9)
• Précision par rapport au code du travail. Celui-ci oblige l’employeur à motiver un refus dans le cadre d’un télétravail instauré par accord ou charte (c. trav. art. L. 1222-9, III), mais n’indique rien en cas de télétravail d’un commun accord employeur/salarié
Contractualisation
Le recours au télétravail ne requiert pas d’avenant au contrat de travail, qu’il soit exercé dans des circonstances normales ou dans des circonstances exceptionnelles
Rappel du code du travail (c. trav. art. L. 1222-9, I)
Jours de télétravail
L’employeur est décisionnaire pour déterminer le nombre de jours de télétravail et leur répartition en cas d’alternance télétravail/présence sur le lieu de travail. Cette décision est prise « à la suite d’un dialogue entre le salarié et l’employeur »
• Précision (1) (c. trav. art. L. 1222-9)
Attention : le cas échéant, l’employeur doit respecter les modalités autres qui peuvent prévues en la matière par l’accord collectif, la charte ou, en leur absence, l’accord formalisé entre l’employeur et le salarié par tous moyen (c. trav. art. L. 1222-9, I)
Télétravail des salariés domiciliés dans un département « rouge » ou « orange »
Le télétravail doit « absolument être privilégié » dans les circonstances actuelles lorsque le poste est compatible, quelle que soit la couleur du département. Il n’y a pas de priorité pour accéder au télétravail pour les salariés domiciliés dans un département « rouge ou orange ». Si l’employeur met en place un roulement, il peut prendre en compte les situations propres à chaque salarié pour organiser l’activité en tout ou partie en télétravail
• Précision par rapport aux dispositions du code du travail
• Rappel de la consigne du ministère de privilégier le télétravail après le déconfinement (2)
Accès aux transports au commun
La difficulté d’accès aux transports au commun est un motif de prolongation du télétravail, compte tenu de la recommandation de privilégier le télétravail quand il est possible
• Précision par rapport aux dispositions du code du travail
• Rappel de la consigne du ministère de privilégier le télétravail après le déconfinement (2)
Congés payés
L’employeur a le droit d’imposer les congés payés, dans le respect des dispositions du code du travail et de la convention collective applicable à l’entreprise, mais il n’a pas le droit de faire travailler les salariés pendant les congés payés
Rappel du code du travail (c. trav. art. L. 1222-9, L. 3141-15 et L. 3141-16)
Activité partielle (dit aussi « chômage partiel »)
• Télétravail et chômage partiel peuvent alterner, l’employeur étant décisionnaire de la quotité de travail pouvant être exercée en télétravail et de sa répartition par rapport au chômage partiel
• En revanche, un salarié ne peut pas travailler et être en chômage partiel au même moment, sous peine de sanctions, y compris pénales
Simples conséquences des règles générales voulant qu’un salarié ne peut pas être en chômage partiel et travailler (que ce soit en télétravail ou sur site) au même moment. Si un salarié en télétravail est aussi en chômage partiel sous forme de réduction d’horaire, il est important de bien séparer les deux temps pour éviter tout risque (3)
Horaires, temps de repos et droit à la déconnexion
Le salarié respecte les horaires de travail. L’employeur respecte les temps de repos et le droit à la déconnexion
Rappels du code du travail (c. trav. art. L. 1222-9 et L. 22242-17)
Ordinateur personnel, accès VPN
• Le salarié peut utiliser son ordinateur personnel mais ce n’est pas une obligation. Si l’employeur impose le télétravail, il doit fournir un ordinateur si le salarié n’en a pas ou ne veut pas utiliser son ordinateur personnel
• L’évaluation de la compatibilité du poste avec le télétravail appartient à l’employeur. Si aucune solution technique ne permet au salarié d’accéder à ses mails et ses données professionnelles (accès VPN), celui-ci peut réintégrer le lieu de travail conformément au protocole national de déconfinement
Précisions du ministère. De son côté, l’ANI du 19 juillet 2005 (5), applicable en cas de télétravail régulier, prévoit que l’employeur fournit et entretient les équipements nécessaires au télétravail et que si, exceptionnellement, le télétravailleur utilise son propre équipement, l’employeur en assure l’adaptation et l’entretien (art. 7)
Espace dédié au télétravail
Le salarié n’a pas à garantir à son employeur un espace de travail dédié au télétravail, sauf si l’accord collectif ou la charte le précise. L’employeur peut prendre en compte les situations propres à chaque salarié pour organiser l’activité en tout ou partie en télétravail ou demander une reprise dans les locaux de l’entreprise
Précisions du ministère
Indemnisation des frais par l’employeur
Selon le ministère, l’employeur n’est pas tenu de verser au salarié une indemnité de télétravail destinée à lui rembourser les frais découlant du télétravail, sauf si l’accord collectif ou la charte le prévoit
• Nouvelle précision du ministère, à rebours de la position diffusée il y a quelques semaines
NDLR : La nouvelle version du ministère, probablement plus « adaptée » pour les entreprises au contexte de crise qui découle de l’épidémie, ne semble pas prendre en considération le principe général sur l’obligation de prendre en charge des frais qu’un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur (cass. soc. 21 mai 2008, n° 06-44044, BC V n° 108), auquel se référait d’ailleurs il y a quelques semaines le ministère lui-même, dans une question/réponse depuis supprimée (4).
De son côté, l’ANI du 19 juillet 2005 (5) impose une prise en charge de certains coûts en cas de télétravail régulier (art. 1, 2 et 7)
Titres-restaurants, primes de repas
Les droits en matière de restauration sont maintenus (ex. : tickets restaurants, primes de repas)
Sous réserve de l’appréciation des tribunaux en cas de litige, la commission nationale des titres-restaurant estimait déjà qu’un salarié en télétravail a les mêmes droits en matière de titres-restaurant qu’un salarié travaillant dans les locaux, au regard de la règle d’équivalence des droits (6)
Accident du travail
Le télétravailleur est couvert pour le risque accident du travail
Rappel (c. trav. art. L. 1222-9, III ; c. séc. soc. art. L. 411-1)
(1) Il s’agit d’une précision par rapport aux dispositions spécifiques du code du travail sur le télétravail mais d’un rappel à notre sens du principe jurisprudentiel selon lequel la définition des horaires de travail relève du pouvoir de direction de l’employer, à moins que ceux-ci ne soient contractualisés [voir Dictionnaire Social, « Modification du contrat de travail (horaire) »].
(2) Protocole national de déconfinement pour les entreprises pour assurer la santé et la sécurité des salariés (www.travail-emploi.gouv.fr).
(3) Si le chômage partiel se traduit par une fermeture de l’entreprise (suspension d’activité), les choses sont plus simples puisque le salarié ne doit pas du tout travailler.
(4) La réglementation de sécurité sociale prévoit les conditions dans lesquelles des frais engagés par un salarié en situation de télétravail, régie par le contrat de travail ou par convention ou accord collectif, peuvent être remboursés en exonération au titre des frais professionnels sur justificatifs (arrêté du 20 décembre 2002 modifié, art. 6). L’administration a dressé un tableau des modalités d’évaluation des frais en cause (circ. DSS/SDFSS/5B 2003-7 du 7 janvier 2003 modifiée ; circ. DSS/SDFSS/5B 2005-376 du 4 août 2005, § III, 3-3-4). Par ailleurs, le réseau des Urssaf admet, au titre d’une tolérance dénuée de valeur juridique opposable, une exonération des remboursements par allocations forfaitaires jusqu’à hauteur de 10 € par mois pour un jour de télétravail par semaine (20 € par mois pour deux jours de télétravail par semaine, 30 € par mois pour 3 jours par semaine, etc.) (www.urssaf.fr).
(5) Accord national interprofessionnel obligatoire pour les employeurs relevant d’un secteur professionnel représenté par les organisations patronales signataires (Medef, CPME, UPA) (étendu par arrêté du 30 mai 2006, JO du 9 juin), sous réserve toutefois d’un accord collectif d’entreprise qui en écarterait l’application.
(6) Le code du travail pose pour principe qu’un télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise (c. trav. art. L. 1222-9, III). 

Télétravail et déconfinement, questions-réponses, www.travail-emploi.gouv.fr